Chroniques de demain

23 mars 2023 | Épisode 2
Mode de vote, coûts et failles

By 23. März 2023April 5th, 2023No Comments

Les „DERNIÈRES NOUVELLES DE DEMAIN“ des Français de l’Étranger

Français à part entière ou… Français entièrement à part?
… plutôt des Français soit oubliés soit traités entièrement à part, comme nous allons le voir au fil des épisodes.

Au 1er janvier 2023, le nombre d’inscrits au Registre des Français établis hors de France s’élève à 1 683 915. Le nombre réel de nos compatriotes résidant à l’étranger est bien supérieur (autour de 2,5 millions). En effet  l’inscription n’est pas obligatoire, et depuis la „déterritorialisation“ ceux qui vivent près des frontières françaises ont tendance à moins s’inscrire puisqu’ils peuvent faire leurs papiers et leurs formalités en France.

1° Les modalités de vote
Des modalités supplémentaires par rapport à l’Hexagone sont mises en place pour pallier l’éloignement des électeurs de leur Centre de vote (CDV) afin de faciliter la participation.
> Le vote à l’urne est possible dans les Centres de Vote agréés par les autorités d’accueil (généralement Consulats, Instituts ou Lycées Français).
> Le vote par procuration (3 procurations autorisées à l’étranger au lieu de 2 en France).
> Le vote par correspondance postale: il a été supprimé en France en 1975 et reste autorisé à l’étranger selon des modalités variables. Il fut un temps où le vote par correspondance était ouvert à tous les électeurs pour les élections à l’AFE sans demande préalable. L’authentification reposait sur la comparaison de la signature sur l’enveloppe d’envoi avec le modèle de signature du registre des FDE ce qui représentait un lourd travail pour l’administration et ensuite pour le Bureau de vote si ces deux signatures différaient. Il n’était pas nécessaire de joindre une copie de pièce d’identité. Avec l’apparition du vote électronique après 2012, le vote par correspondance a dans un premier temps totalement disparu. Il est actuellement de nouveau possible pour les Législatives et les Consulaires mais uniquement sur demande préalable de l’électeur pendant un laps de temps très limité. Une copie de pièce d’identité est requise…et est souvent mise dans la mauvaise enveloppe, annulant le vote. Le bureau des élections collecte les enveloppes au fur et à mesure de leur réception. Le dépouillement se déroule en deux phases. D’abord, les enveloppes de correspondance sont ouvertes et le registre d’émargement est mis à jour en conséquence. Les enveloppes anonymes qu’elles contiennent sont rassemblées et brassées afin de ne pas conserver de lien entre celles-ci et les enveloppes de correspondance. Ensuite les enveloppes anonymes sont ouvertes. Les bulletins qu’elles contiennent sont dénombrés afin d’établir l’issue du vote.
> Le vote par internet (Loi n° 2003-277 du 28 mars 2003) a autorisé le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l’étranger, devenu l’AFE. Puis le vote par Internet a été étendu aux Législatives des FDE en 2012 mais pas en 2017 et de nouveau possible avec un nouveau prestataire en 2021 et pour les partielles en 2022. En France le vote Internet à distance est interdit, seules des machines à voter sans transmission à distance sont parfois, sous certaines conditions, autorisées dans certaines communes.

Les Français de l’Étranger (FDE) votent peu: en moyenne la participation est, au mieux, d’environ 34 à 37% des inscrits sur la liste électorale consulaire (LEC) pour la Présidentielle et 20% pour les législatives, parfois moins pour les consulaires dans certaines circonscriptions ainsi que pour les européennes (11% aux européennes de 2014 contre 42,4 % en France). Il est vrai qu’il est bien plus ardu de voter à l’étranger qu’en France sauf si on habite près du Consulat.

2° Les coûts du vote
Les coûts de gestion des listes électorales sont difficiles à évaluer car d’une part il n’y a pas d’évaluation des dépenses de personnel, alors même que la mobilisation des agents pour assurer la bonne organisation des élections pèse lourdement sur les postes diplomatiques et consulaires et, d’autre part, elles sont supportées par plusieurs acteurs. La tenue des scrutins entraîne des heures supplémentaires et des journées de récupération qui n’ont pu être chiffrées intégralement mais qui, à titre d’exemple, atteignaient pour le consulat général de Londres l’équivalent de 120 jours en 2014. À cela il faut ajouter les crédits nécessaires pour le traitement des contentieux centralisés au tribunal d’instance du 1er arrondissement de Paris. Enfin les dépenses ainsi supportées par le ministère des affaires étrangères et du développement international ne sont que partiellement remboursées par le ministère de l’Intérieur à partir du programme budgétaire prévu à cet effet.

La Cour des Comptes évalue les dépenses liées à l’organisation des élections pour les Français établis hors de France, qui se sont déroulées entre 2011 et 2014, à 34,3 M€. Au total, avec l’élection présidentielle de mai 2012, l’organisation des scrutins pour les Français de l’étranger était revenue à 16,6 millions d’euros, sur un total de 365 millions pour ces deux élections dans toute la République. Par comparaison, elle a coûté 8,44 euros par électeur inscrit en France et 20,50 euros par électeur à l’étranger. Dépense particulièrement élevée pour les européennes (40,60€ par votant) et les consulaires (24,50€ par votant). Source Évaluation de la Cour des Comptes Réf. S2016-3241 sur l’organisation du vote des FDE.
En 2012 l’élection des 11 députés des 650 000 français inscrits hors de France avait coûté 7,1 millions d’euros. 5,1 M avaient été consacrés à l’envoi de la propagande électorale (source Avis n°235 sur le Projet de loi de Finances pour 2013 de l’Assemblée Nationale – PLF).

  • Le vote à l’urne: le coût relève principalement de dépenses de personnel. L’État prend à sa charge les dépenses correspondant à la fourniture des formulaires et imprimés nécessaires (récépissés de dépôt de demande d’inscription, bordereaux d’envoi à l’INSEE, avis d’inscription et de radiation sur les listes électorales, etc.).
  • Le vote par procuration: la procédure actuelle limite les coûts mais pas complètement les contraintes pour l’électeur (plus de livraison des formulaires de vote par procuration aux préfectures et aux hauts-commissariats, plus de frais postaux liés à l’envoi des formulaires vierges aux différentes autorités habilitées à délivrer des procurations, plus d’envois aux consulats de ces formulaires complétés) en étant devenue semi-informatisée. Avec son Numéro National d’Électeur (NNE) il est possible de faire une procuration en ligne sur maprocuration.gouv.fr. Mais il faut ensuite faire valider la procuration, en personne, auprès d’une autorité compétente (notamment les ambassades et consulats généraux à l’étranger).
  • Le vote par correspondance: les coûts consistent en frais postaux, frais de personnel et d’organisation (locaux dédiés à la conservation des bulletins au fur et à mesure de leur arrivée puis dépouillement). Il est coûteux (25,50 € par votant en 2012 et 120 € par votant pour les législatives partielles de 2013). La participation est minime (moins de 2% des électeurs avaient fait ce choix en 2012). De surcroît, le taux d’annulation du vote par correspondance est particulièrement élevé, par exemple il a été supérieur à 50% à Bruxelles en 2012.
  • Le vote par internet: il consiste en coûts de personnels, de matériels et de prestataires. Le MEAE doit déléguer l’organisation du vote à un prestataire en coopération avec l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et avec des experts indépendants. Le logiciel de vote Pnyx de la société SCYTL, qui a été utilisé pour les élections AFE 2009, le recours AFE 2010, les élections législatives 2012 et les élections consulaires de 2021, a été acheté par le MAEE en 2008. La plateforme de vote en ligne du vote électronique était hébergée en France à Vendôme (comme en 2009 et en 2010), dans le centre de données «bunkerisé» de la société ATOS. Les autres plateformes (hors ligne) sont toutes hébergées au MEAE (donc en France) dans des salles spécialement sécurisées. Depuis les législatives de 2022 le prestataire partenaire est le groupe Voxaly Docaposte. En 2022 le PLF prévoit 1 390 155 € pour le vote internet (sans les frais de personnel).

3° Les failles

> Le vote à l’urne: c’est le plus fiable. L’organisation du dépouillement doit, bien sûr, être irréprochable.

> Le vote par procuration: réalisé dans les conditions actuelles, il continue, lui aussi, de garantir la trace tangible d’un vote car l’électeur sait à quelle personne il le confie et prend tous les risques en connaissance et en conscience, de confier à tel ou tel son suffrage.
> Le vote par correspondance: il n’est pas placé dans l’urne par l’électeur ou son mandant. Sa fiabilité est dépendante de multiples facteurs et sa traçabilité tout le long de l’acheminement n’est pas possible (acheminement en divers lieux et différents moments). La fiabilité des services postaux n’est pas la même dans tous les pays. De nombreux incidents sont possibles: grèves postales, enveloppes bloquées ou substituées à un moment quelconque de l’acheminement, enveloppes ouvertes au mépris du secret du vote, bulletin de vote placé dans la mauvaise enveloppe, etc.
> Le vote par internet: comme pour le vote par correspondance, l’électeur perd la trace matérielle de son vote qui n’est, ni introduit par lui-même dans une urne (transparente depuis la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988) ni délégué à une personne de confiance comme pour le vote par procuration tel qu’il est organisé aux articles L. 75 et L 78 du code électoral. Lors d’un vote par internet, les fraudeurs peuvent opérer depuis n’importe quel point du globe, quels que soient le lieu d’où l’électeur vote et le trajet suivi par son bulletin. Une personne seule peut suffire pour attaquer un scrutin (source Chantal Enguehard. Vote par internet : failles techniques et recul démocratique, rapport interne hal-00181335, octobre 2007. 7).

Des failles techniques et des risques d’attaque ont été identifiés:

A) Les problèmes techniques: non réception d’Identifiant par courriel ou non réception de code par SMS. Ce dernier point est plus difficile à corriger car il n’existe pas, contrairement aux courriels, d’accords internationaux permettant de distinguer des mails d’origine officielle de «Massmails» commerciaux. Les SMS sont gérés, selon leurs règles propres par des opérateurs locaux. Certains pays ne les laissent pas passer.
B) Les attaques externes: 1- Le «déni de service» consiste à bombarder le serveur de demandes de vote afin d’empêcher les électeurs légitimes de voter. 2- Les interventions du type «homme-au-milieu“ consistent à se faire passer pour le serveur vis-à-vis de l’ordinateur de l’électeur, et à se faire passer pour l’électeur vis-à-vis du serveur, le fraudeur peut ainsi modifier le vote qui a été émis. Cette intervention, bien qu’assez technique, est à la portée de tout informaticien motivé puisque les dates des élections sont connues longtemps à l’avance. 3- L’utilisation de «virus» et de «vers»  est bien plus redoutable. Comme la plupart des antivirus ne peuvent détecter que les virus déjà connus, les nouveaux virus ne sont pas détectables avant de passer à l’action. 4- Une fraude beaucoup plus simple mais de portée limitée est l’usurpation d’identité par une personne de l’entourage de l’électeur.
C) Les attaques internes: les fraudes, malveillances voire erreurs humaines internes peuvent être menées par une ou plusieurs personnes impliquées dans l’organisation du vote. Il existe des processus de fraude classiques comme l’introduction d’un «cheval de Troie» ou d’une «porte arrière » consistant en l’introduction de quelques lignes dans un programme en comprenant plusieurs milliers. Ce sont les plus dangereuses, les plus massives et les plus difficiles à détecter.

Conclusion

Les FDE votent peu, même avec le vote par correspondance et par internet. Certaines de leurs modalités de vote sont proscrites en France car considérées comme ni assez transparentes ni assez sûres. Elles perdurent à l’étranger pour booster la participation. Le vote à l’étranger coûte cher. Comme un vote internet réussi ne garantit pas qu’il n´y a pas eu de fraude mais seulement qu’elle n’a pas été détectée et qu’il ne garantit en aucun cas la réussite du vote suivant, comme le vote internet reste indispensable pour que la participation électorale des FDE ne soit pas minime rendant le résultat de leurs élections illégitime,
Attendez-vous à ce qu’à chaque élection des adaptations des modes de vote apparaissent!

Retrouvez l’Épisode 1 des  „Dernières nouvelles de demain“ des FDE: leur Représentation institutionnelle